L'échec des monarchies constitutionnelles (1814-1848)
Pourquoi les expériences de monarchie constitutionnelle ont-elles été un échec ?

Avec Emmanuel Fureix
Histoire de France : La France du XIXe siècle de 1814 à 1914 (Presses Universitaires de France)
1.La Charte constitutionnelle de 1814 (doc 1 p 57) . Elle organise les pouvoirs publics
Je retiens
La Charte a été octroyée par le roi donc elle n'a pas été soumise au vote des Français .
Le régime n'est ni parlementaire ni totalement démocratique.
Le roi est le souverain.*
Étant le seul détenteur de la souveraineté, il dispose de larges pouvoirs:
*de la totalité du pouvoir exécutif
*d'une importante partie du pouvoir législatif .
*les lois et le budget de l'État sont votés par les élus du pays (à l'époque très peu représentatifs de la population).*
Les libertés acquises pendant la révolution de 1789 sont garanties.
Je retiens
L'article 14 de la Charte (droit de faire des règlements et ordonnances pour « l'exécution des lois et la sécurité de l'État ») permet au roi de se passer de l'accord de l'assemblée législative.
A noter
Le roi peut dissoudre la chambre des députés et provoquer de nouvelles élections s'il entre en conflit avec les « représentants du peuple ».
Ces deux possibilités seront utilisées en 1830 par le roi Charles X et provoqueront la révolution de Juillet.
« Article 14 :Le Roi est chef suprême de l'État, il commande les forces de terre et de mer, déclare la guerre, fait les traités de paix, d'alliance et de commerce, nomme à tous les emplois d'administration publique, et fait les règlements et ordonnances nécessaires pour l'exécution des lois et la sûreté de l'État. »
2.Le règne de Louis XVIII (1814-1824).
Il est porté au pouvoir par les puissances européennes (en 1814, puis en 1815)
IL doit accepter une partie des acquis de la Révolution de 1789 tant l'opinion publique est méfiante.
Louis XVIII cherche donc un compromis.
Il comprend qu'un retour à la monarchie absolue est impossible (contrairement aux ultras et à son frère (le futur Charles X)
Comment
Il impose le drapeau blanc de la monarchie mais fait établir la Charte (elle est datée de la 19e année de son règne)
Il rend au catholicisme son statut de religion d'État mais ne supprime pas la liberté de culte.
Les limites
La « Terreur blanche » : elle fait des milliers de victimes.
Quatre temps du régime
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En 1815, les ultras (majoritaires) se déchaînent contre les républicains et les partisans des idées révolutionnaires.
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De 1816 à 1820, les modérés (ou constitutionnels) reprennent le contrôle du gouvernement et font voter des lois libérales.
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En février 1820, l'assassinat du duc de Berry (le neveu du roi) 1820 par un bonapartiste voit le retour des Ultra au pouvoir(c'était sur Le duc de Berry que reposait l'avenir de la dynastie)
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Le 16 septembre 1824, Louis XVIII meurt. Il est remplacé par son frère Charles X
3. Le règne de Charles X (1824-1830)
Le retour à l’absolutisme
Le roi impose deux lois dès son installation au pouvoir
*la « loi du sacrilège qui punit de mort les profanateurs d'église (20 avril 1825)
*loi dite du « milliard des émigrés » (28 avril 1825), qui prévoit l'indemnisation des nobles ayant fui pendant la Révolution et dont les biens avaient été confisqués.
Interprétation
Elles font apparaître Charles X comme le protecteur des deux piliers de l'Ancien Régime (l'Église et l'aristocratie)
La terreur blanche
Réaction cléricale, réaction aristocratique.
Les résistances aux Ultras
L'absolutisme s'affirme
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Le 29 mai 1825, sacré à Reims, Charles X apparaît comme un roi de droit divin.
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1829-1830 Polignac, ministère ultra-royaliste, impose un pouvoir très autoritaire
Ce qu'en dit la presse libérale
« Coblentz, Waterloo, 1815 : voilà les trois principes, voilà les trois personnages du ministère. Tournez-le de quelque côté que vous voudrez, de tous les côtés il effraie, de tous les côtés il irrite. Pressez, tordez ce ministère, il ne dégoutte qu’humiliations, malheurs et chagrins. »
Le directeur du Journal des débats, publie un article qui se termine par la formule :
« Malheureuse France ! Malheureux roi ! », où il stigmatise « la cour avec ses vieilles rancunes, l’émigration avec ses préjugés, le sacerdoce avec sa haine de la liberté ».
Le choix du prince de Polignac, ultra-royaliste déchaîne la presse libérale qui multiplie les critiques contre « Charles le Simple », ce roi bigot, conservateur, passionné par la chasse et les jeux"
Le Globe salue l'événement d'une formule lapidaire : « Son avènement sépare la France en deux : la Cour d'un côté, de l'autre la Nation. »
Tant Polignac que ses ministres vont apparaître aux yeux d'une opinion qui lit une presse libérale en plein essor, comme des individus souhaitant établir une monarchie autoritaire, voire absolue.
Les étapes de la fin du règne
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Les libéraux dans leur Adresse (des 221) au roi, le18 mars 1830, dénoncent le ministère Polignac.
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Charles X dissout la Chambre le 16 mai 1830.
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Il espère se reconstituer une majorité parlementaire favorable
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Nouvelle victoire des libéraux aux élections législatives des 23 juin et 19 juillet 1830. Ils obtiennent 274 députés.
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Le roi ne cède pas et ne change pas son ministère Polignac, minoritaire à la Chambre.
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L'annonce de la victoire d'Alger, et l'assurance donnée par le préfet de police que « Paris ne bougera pas » le confortent dans sa croyance en la nécessité d'un coup de force
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Le roi réagit en signant 4 ordonnances interprétant au sens le plus favorable — l'article 14 de la Charte de 1814.
Ces « Ordonnances de Saint-Cloud » visent à obtenir de nouvelles élections dans des conditions plus favorables aux Ultras et désavantagent les Libéraux.
Elles seront imprimées dans la nuit et publiées au matin du lundi 26 :
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la première ordonnance suspend la liberté de la presse et soumet toutes les publications périodiques à une autorisation du gouvernement ;
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la deuxième dissout la Chambre des députés alors que celle-ci vient d’être élue et ne s’est encore jamais réunie
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la troisième écarte la patente pour le calcul du cens électoral, de manière à écarter une partie de la bourgeoisie commerçante ou industrielle, d’opinions plus libérales, réduit le nombre des députés de 428 à 258 et rétablit un système d’élections à deux degrés dans lequel le choix final des députés procède du collège électoral de département, qui rassemble seulement le quart des électeurs les plus imposés de la circonscription (modification du système électoral).
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la quatrième convoque les collèges électoraux pour septembre ;
Les quatre ordonnances de Charles X
La promulgation des ordonnances du 26 juillet 1830 déclenche la révolution des « Trois Glorieuses ».
Révolution de 1830: les Trois Glorieuses
La Liberté guidant le peuple : un tableau devenu icône de la république triomphante. Pourtant telle n'a jamais été l'intention de Delacroix, dandy-conservateur effrayé par les émeutes populaires. La fortune de l’œuvre reposerait-elle sur un immense contresens ?
Partie 2
La monarchie de Juillet (1830-1848)
1. L'installation du régime
Pourquoi un nouveau régime monarchique et non une république ?.
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Les libéraux et les républicains y participent car ils se rejoignent dans leur détestation du régime,
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les premiers ne souhaitent obtenir qu'une monarchie réellement parlementaire
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les seconds la fin pure et simple de la monarchie.
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Mais
Le pays est trop marqué par le souvenir de la Terreur.
Il n'est pas prêt pour la républicaine.
Les libéraux et leur chef Adolphe Thiers réussissent à imposer la solution orléaniste.
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Il y rallie une figure majeure de 1789, le marquis de La Fayette.
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Le 9 août 1830, Philippe d'Orléans devient « Louis-Philippe Ier, roi des Français ». Le « roi-citoyen »
2. Des débuts difficiles (1830-1835)
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Des changements
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Louis-Philippe prête serment sur une charte révisée
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le drapeau tricolore est adopté.
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Quelles orientations politiques / Les orléanistes se divisent en deux tendances
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le « parti du Mouvement » qui approuve les réformes
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le « parti de la Résistance » (François Guizot...) qui refuse les réformes estimant que la Révolution est terminée.
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En mars 1831, le camp de la Résistance est aux affaires
3.Un régime contesté
Le régime est contesté par:
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ses opposants politiques (légitimistes favorables à un retour des Bourbons
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les bonapartistes)
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des émeutes populaires qui se multiplient dans un contexte de misère et de mauvaises récoltes (Lyon en 1831 et 1834).
Des réformes libérales
En juillet 1835, Louis-Philippe échappe à un attentat .
Son auteur
Le 28 juillet 1835, Giuseppe Fieschi ,conspirateur né en Corse organise un attentat à la « machine infernale » contre Louis-Philippe et la famille royale. L'attentat échoue mais on relèvera dix-huit morts. Fieschi est condamné à mort et guillotiné .
La réaction
En réaction,le régime adopte alors une série de lois répressives, appelées « lois de septembre », qui incluent le rétablissement de la censure.
4. Une politique de plus en plus conservatrice (1835-1848)
Louis Philippe :le « roi- bourgeois ».
Rappel du contexte économique.
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Le roi est le symbole de la bourgeoisie conservatrice et industrielle.
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Le régime est indifférent à la misère sociale.

François Guizot est né le 4 octobre 1787 à Nîmes et meurt le 12 septembre 1874 est un historien et un homme d'État français plusieurs fois ministre sous la monarchie de Juillet, en particulier des Affaires étrangères de 1840 à 1848 et président du Conseil en 1847, avant d'être renversé par la Révolution française de 1848.*
Comme ministre de l'Instruction publique, par la loi de 1833, il demanda la création d'une école primaire par commune et d'une école normale primaire par département.
François Guizot est le principal ministre de Louis-Philippe Ier, le « roi bourgeois » par excellence.
Il exprime mieux qu'aucun autre le réformisme tranquille de ce règne et une certaine forme de « conservatisme éclairé » qui se retrouve dans la formule célèbre : « Enrichissez-vous par le travail, par l'épargne et la probité ».

F Guizot photographié par Nadar
Le gouvernement de Guizot:
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modernise le pays et contribue à sa prospérité économique (loi de 1842 sur l'élargissement du réseau ferré, recul du chômage)
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mène une politique conservatrice.
Un ministre impopulaire
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Il dirige successivement les ministères de l'Intérieur, de l'Instruction publique puis des Affaires étrangères.
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François Guizot apparaît comme l'inspirateur du régime.
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De 1840 à 1847, il est le véritable chef du gouvernement.
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Mais ce n'est qu'en novembre 1847 qu'il en devient officiellement le président du Conseil.
Des actions / un réformateur
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Par la loi du 28 juin 1833, il fonde l'enseignement primaire public et généralise les Écoles normales primaires pour la formation des instituteurs.
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En 1840, il raccommode la France et l'Angleterre, sur le point de se faire la guerre en raison de la politique aventureuse de son prédécesseur Adolphe Thiers.
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Il ouvre la voie à une première « Entente cordiale » entre Louis-Philippe 1er et la reine Victoria par les visites de la reine à Eu en 1843 et du roi à Windsor en 1844.
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En 1842, sa loi sur les chemins de fer accélère l'industrialisation du pays.
Un conservateur
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Guizot refuse d'abaisser le cens électoral fixé à 200 francs et qui limite à 240 000 le nombre d'électeurs.
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Son obstination, lui vaut une impopularité croissante auprès de la bourgeoisie républicaine.
5.Le régime choisit la répression
Esprit de réforme et croissance industrielle
La parole protestataire
Face à cette intransigeance et à la crise économique qui aggrave les tensions à partir de 1846, l'opposition s'organise.
La « campagne des banquets » (1847-1848) permet de contourner l'interdiction des réunions politiques.
Le gouvernement interdit le 14 janvier 1848 un banquet prévu à Paris.
La répression de cette manifestation ouvre la révolution de février 1848 et marque la fin de la monarchie de Juillet.
Comment bascule-t-on en révolution ?
Chronologie de la "révolution de Février" 1848 dans la presse
Le 22 février, ignorant l'interdiction par le gouvernement d'un banquet réformiste, les Parisiens manifestent aux cris de « Vive la Réforme ! », bientôt rejoints par une partie de la Garde nationale.
Discours d’Alexis de Tocqueville à la Chambre des pairs, le 27 janvier 1848
Messieurs, je ne sais si je me trompe, mais il me semble que l’état actuel des choses, l’état actuel de l’opinion, l’état des esprits en France, est de nature à alarmer et à affliger. Pour mon compte, je déclare sincèrement à la Chambre que j’éprouve une certaine crainte pour l’avenir […] pour la première fois peut‑être depuis seize ans, le sentiment, l’instinct de l’instabilité, ce sentiment précurseur des révolutions, qui souvent les annonce, qui quelquefois les fait naître, que ce sentiment existe à un degré très grave dans le pays. […] Telle est, messieurs, ma conviction profonde ; je crois que nous nous endormons à l’heure qu’il est sur un volcan, j’en suis profondément convaincu.
Songez, messieurs, à l’ancienne monarchie ; elle était plus forte que vous, plus forte par son origine ; elle s’appuyait mieux que vous sur d’anciens usages, sur de vieilles mœurs, sur d’antiques croyances ; elle était plus forte que vous, et cependant elle est tombée dans la poussière. Et pourquoi est‑elle tombée ?
Croyez‑vous que ce soit par tel accident particulier ? Pensez-vous que ce soit le fait de tel homme, le déficit, le serment du Jeu de paume, Lafayette, Mirabeau ? Non, messieurs ; il y a une cause plus profonde et plus vraie, et cette cause c’est que la classe qui gouvernait alors était devenue, par son indifférence, par son égoïsme, par ses vices, incapable et indigne de gouverner. Voilà la véritable cause.
Partie 1
La restauration de la monarchie en France
Les faits.
Napoléon est vaincu.
En arrière plan : le congrès de Vienne
Le frère de Louis XVI, exilé depuis juin 1791rentrer en France.
Le 3 mai 1814, il monte sur le trône sous le nom de Louis XVIII.
Par l'octroi d'une charte, il instaure une monarchie constitutionnelle
Emmanuel Fureix, né en 1971, est professeur d'histoire contemporaine . Il est maître de conférences en histoire contemporaine à l’université Paris-Est-Créteil depuis 2004
Il travaille sur l'histoire politique et culturelle du XIXe siècle, avec une attention particulière aux images, aux émotions et aux gestes.
Il a notamment publié La France des larmes. Deuils politiques à l’âge romantique (Prix Chateaubriand 2009), Le siècle des possibles. 1814-1914 (2014), La modernité désenchantée. Relire l’histoire du XIXe siècle français (2015, avec François Jarrige), et plus récemment L'oeil blessé. Politiques de l'iconoclasme après la Révolution française (2019)
La seconde république 1848-1851
En résumé et...la suite